may serianna torgersen
17 ans  /  norvégienne  /  aka "mayday"
sur terre, elle était lycéenne. sur avalon, elle est pensionnaire de l'orphelinat, et toujours prête à partir en exploration !
Even angels have their wicked schemes
And you take that to new extremes
« Ben, on a perdu May ? »

Faudra baisser un peu les yeux, pour la voir. Des blagues comme ça, May, on lui en fait tous les jours. Faut dire qu'une ado de dix-sept ans qui mesure un mètre cinquante-quatre, ça fait sourire. Le premier truc qu'on remarque, chez May, c'est qu'elle est petite. Et elle n'est pas seulement petite — elle fait petite, aussi. Elle a encore des traits doux et arrondis, et elle les gardera probablement toute sa vie. On lui donnerait facilement trois ans de moins, peut-être même quatre. Au début, ça fait sourire. Mais à force d'entendre les mêmes vannes, encore et encore, et d'être systématiquement prise pour la petite soeur de ses camarades, elle en a eu un peu marre. Du coup, May, elle apprécie tout particulièrement quand on la complimente sur d'autres aspects de son physique. Comme ses jolis yeux violacés, par exemple, si uniques. Ou ses longs cheveux d'un blond très pâle avec leurs boucles souples, qui tombent jusqu'au bas de ses fesses. Il faut dire qu'elle en est très fière, et qu'elle en prend grand soin. Elle les laisse généralement lâchés, mais il lui arrive de les tresser et de les arranger. Ses courbes peu marquées n'aident pas à rétablir son âge véritable, mais la jeune fille tente de corriger cela grâce à ses tenues. Et pourtant, les habitudes ont la vie dure, et elle a du mal à s'éloigner du look mignon de petite poupée que sa mère lui a toujours associé. Elle porte principalement des robes et des jupes, visant plutôt des silhouettes évasées et flottantes au niveau des hanches et des cuisses, marquées à la taille et près du buste. Et des couleurs pastel. Toujours des couleurs pastel. Elle porte peu d'accessoires et de bijoux, préférant la simplicité et le confort à l'ostentation. Elle ne se défait cependant jamais d'un petit bracelet en plastique rose auquel elle tient beaucoup. Cadeau d'Elias. Trouvé par terre.


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C'est un drôle de petit bout de femme, May. Quand on la voit sans bien la connaître, on ne s'attend pas vraiment à ce qui va arriver. Elle est mignonne, May. Elle est gentille, souriante, plutôt attachante, facile de contact. Elle est sympathique et pleine de bonne volonté, toujours prête à vous tendre la main. Bref, une adorable petite fille. Mais, déjà, May, elle a dix-sept ans, au lieu des treize qu'on aimerait bien lui donner au premier abord. Ensuite, l'adorable petite May déteste être traitée comme une simple mascotte. Mignonne comme elle est, on a facilement envie de jouer les grands-frères ou les grandes-soeurs avec elle, de la prendre sous son aile, de la cajoler, de lui faire des câlins, de prendre soin d'elle — mais, même si l'on ne peut pas dire que ce soit vraiment désagréable, May trouve cela terriblement réducteur. Elle complexe un peu sur cette image qui lui colle à la peau, et peut se montrer relativement méfiante et susceptible vis-à-vis de ce genre d'attentions. May, elle voudrait que les gens arrêtent de rire quand elle dit qu'elle a dix-sept ans, elle voudrait qu'on la regarde parfois avec envie plutôt qu'avec attendrissement, elle voudrait "faire plus grande", plus mature, être prise au sérieux ; et surtout, qu'on voie en elle, au-delà de sa petite taille, de ses jolis cheveux et de sa bouille toute mignonne, sa force, sa féminité, et ses véritables traits de caractère. Pourtant, c'est une vraie princesse capricieuse qui a été habituée à être adorée et cajolée, et à obtenir tout naturellement l'attention et l'affection qu'elle pense du coup être en droit d'attendre. Si vous la traitez en reine, elle fera de vous son gentil larbin ; si vous la traitez en petite fille, en revanche, elle vous criera dans les oreilles. Et attention, elle crie fort. Si enfin vous voulez devenir son ami, traitez-la en égale et respectez-là, pour vous éviter les foudres de la demoiselle.

Et ça, vous n'avez pas envie que ça arrive. Car, au-delà de ses airs mignons et joviaux, l'adolescente possède en vérité un caractère bien trempé. Son attitude généralement très positive ne l'empêche pas de savoir ce qu'elle veut, ce qu'elle aime, et ce qu'elle n'aime pas. Elle fait généralement preuve de davantage de tact et de douceur à l'encontre des personnes qu'elle apprécie, de même qu'elle leur passe beaucoup de choses ; mais si elle vous prend en grippe et qu'elle a des remarques à vous faire, croyez bien qu'elle ne s'en privera pas. On est parfois surpris d'entendre reproches, sarcasme et répliques cinglantes sortir de sa bouche d'enfant, sans détours. Ces derniers sont généralement justifiés, mais la Norvégienne ne s'embarrasse pas de faux semblants et ne cherche pas à cacher l'animosité qu'elle éprouve pour certaines personnes — à tort ou à raison — et elle peut même se montrer particulièrement mauvaise langue vis-à-vis de ceux qui se trouvent dans sa liste noire. Très loyale, elle n'hésitera pas à s'interposer pour défendre ceux qui lui sont chers, tant par la parole que par les actes. Si l'offense est mineure, elle la mettra sur le compte de la maladresse ou de l'ignorance et se contentera d'essayer de rétablir la vérité ; néanmoins, si vous y mettez de l'acharnement, vous vous ferez alors une ennemie déterminée à vous faire ravaler vos paroles, coups bas, et autres saloperies. Elle peut se montrer tolérante, May, mais elle n'est pas patiente. Et ses colères sont aussi violentes que soudaines.

Mais le plus effrayant, c'est probablement la façon qu'elle a de se jeter à corps et à coeur perdu dans ses relations. Quand elle vous aime, May, elle vous offre de l'amour inconditionnel. Tant que vous la voyez telle qu'elle est et non pas telle que vous voudriez qu'elle soit, tant que vous ne la traitez pas comme une enfant, tant que vous ne la sur-protégez pas, tant que vous investissez dans votre relation avec elle, quelle que soit sa nature ; alors, vous pouvez bien lui faire ce que vous voulez, elle ne vous laissera jamais tomber. Tout ce qu'elle veut, en somme, c'est savoir qu'elle compte pour vous, d'une façon ou d'une autre, tout comme vous comptez pour elle. Après, peu importe que la relation soit déséquilibrée, abusive, que vous lui mentiez, tant que ce n'est pas par hypocrisie ou pour "la protéger" ; peu importe que votre lien soit toxique, que vous agissiez en véritable connard avec elle ou que vous lui fassiez du mal. Elle vous en fera probablement aussi, car même ses proches ne sont pas à l'abri de ses colères — à force de tout vous passer, un jour elle vous explosera dessus sans prévenir, et ça vous surprendra autant que n'importe qui d'autre la première fois que vous verrez toute la violence qu'il peut y avoir chez la fillette qui, hier encore, n'était qu'admiration et bienveillance à votre égard. May, en somme, elle a une vision un peu tordue des choses. Elle manque un peu de sens commun, aussi. Elle est un peu bizarre. Elle fera les trucs les plus étranges, les plus insensés, pensant vous faire plaisir. Elle vous soutiendra avec calme et conviction que ce mec un peu louche et particulièrement désagréable est la meilleure personne du monde, que ce flirt, menteur et manipulateur comme il est, au moins il est vrai. Et puis elle crachera sur le mec sympa et populaire qui vient en aide à tout le monde, sur la fille un peu trop parfaite pour être honnête, sur tout ce qui est trop lisse, trop beau, tout ce qui cache ses défauts. "Défauts", "qualités"... May, elle s'en fiche un peu. À la beauté resplendissante d'un monde baigné de lumière, elle préfère encore les charmes mystérieux de l'obscurité. Elle a un côté un peu romantique, May. Ou bien elle est juste un peu folle. Ou naïve. Ou un peu des trois. Certains disent que c'est parce qu'elle traîne trop avec Elias — quand un mec pareil est ton idéal, c'est forcément qu'il y a un problème quelque part. On a rarement vu un couple qui soit à la fois si bien et si mal assorti, une relation aussi explosive. Des paris sont en jeu pour savoir s'ils finiront par sortir ensemble un jour, et si leur relation s'améliorera alors ou s'en détériorera davantage. D'autres continuent d'idéaliser la petite blonde, disent qu'elle n'était probablement pas comme ça à la base, que c'était une optimiste, un petit rayon de soleil, que c'est le Corbeau qui l'a détraquée.

Et pourtant, May, elle était déjà comme ça avant. Alors, évidemment, avec une personnalité pareille, elle a tendance à s'attirer des ennuis. À fréquenter ceux qu'il faudrait pas, à faire des trucs qui vont lui retomber dessus, parfois même, à causer des catastrophes. C'est une véritable petite tornade, un vent de maladresse. Et la magie n'a en rien amélioré à la situation ; quand on ne la surnomme pas "oiseau de malheur", c'est Mayday. Les problèmes, elle essaie de les résoudre, elle les attire, les cause, et maintenant elle les annonce aussi à coups de cris stridents et de sanglots incontrôlés qui portent beaucoup plus loin qu'on ne pourrait le croire.

Mayday, c'est la petite alarme malchanceuse d'Avalon.
you feed me fables from your hand
With violent words and empty threats
May s'est éveillée et a effectué son premier saut en janvier 2010. Elle devient pensionnaire de l'Orphelinat dans la foulée, mais elle passe en vérité la plupart de son temps à Avalon, et se tape l'incruste chez les gens pour trouver un toît pour la nuit quand elle n'a pas envie de rentrer dormir dans sa chambre à l'Orphelinat. Elle est également altérée, depuis qu'elle a harcelé un mage pour obtenir un Pouvoir pour le moins bancal.
And it’s sick that all these battles
Are what keeps me satisfied
May, elle est nulle en magie. Ça fait déjà deux mois qu'elle est là, mais on dirait presque qu'elle est arrivée hier. Elle ne sait pas quoi en faire, en fait — comme pour tout, elle s'éparpille, elle a trop d'ébauches d'idées, mais les détails ne suivent pas. Elle a pas la patience d'apprendre, ni la motivation de se focaliser sur une spécialité. Finalement, tout ce qu'elle a su développer, c'est un sort pour créer une sorte de porte-voix, un genre de haut-parleur fait d'air. Parce que May, parmi tous les trucs qu'elle adore, elle adore chanter. Et elle est devenue complètement fan de Charlotte, l'idol d'Avalon. Et un jour alors qu'elle a eu la chance de pouvoir discuter un peu avec elle, Charlotte lui a expliqué qu'elle utilisait la magie pour faire porter sa voix plus loin. Et c'est comme ça que May a eu l'idée de développer ce sort.

Et puis comme elle était pas très douée, et pas vraiment patiente, elle a fini par baisser les bras et par choisir le chemin de la facilité. Elle est allée chercher ce mage qui se vantait d'avoir étudié l'Altération (comprendre par là qu'elle est allée le faire chier en exigeant qu'il bosse pour elle et qu'il a fini par céder même si l'attitude de la demoiselle le révoltait ; encore un qui aura appris que l'habit ne fait pas le moine) en lui demandant d'apprendre son sort à son corps, afin qu'elle puisse par la suite l'utiliser sans effort. Elle s'est montrée particulièrement insupportable pendant toute l'opération, en crânant parce qu'elle était fière de ses idées (qui n'étaient ni vraiment les siennes, ni vraiment brillantes), en insistant lourdement pour qu'il fasse bien "exactement ce qu'elle lui demandait" pour montrer qu'elle ne se laisserait pas arnaquer, et en piaillant non-stop malgré les protestations du pauvre mage qui tentait de se concentrer. Eh bien le karma doit exister, parce que le résultat c'est un Pouvoir particulièrement mal fichu (probablement que le type a voulu lui rendre la monnaie de sa pièce), qui se déclenche dès que May utiliserait spontanément une voix un peu plus forte que la normale (donc dès qu'elle s'emporte un peu, qu'elle soit excitée, effrayée ou énervée — et avec May, ça arrive beaucoup), et qu'elle n'a évidemment pas pensé à concevoir de façon réglable. Résultat, pas de degrés ni de progression : en plus de piailler quasiment en continu, May est désormais condamnée à se mettre à hurler toutes les deux minutes, pour un oui pour un non. Ce Pouvoir, couplé à sa maladresse naturelle, lui a valu le titre d'oiseau de malheur : c'est comme si elle annonçait les catastrophes qu'elle était inévitablement sur le point de causer. Et si par quelque miracle vous n'entendiez pas la voix criarde de l'adolescente annoncer son arrivée, sachez que les Babyloniens ont développé un code d'alerte : « Mayday ! » Mayday, c'est le nouveau surnom de la demoiselle, et ça signifie généralement top départ pour tous les habitués du coin.

Ne vous laissez pas berner par sa jolie frimousse. Cette fille est une terreur.
Just gonna stand there and watch me burn
But that’s all right because
I like the way it hurts
Hønefoss. Quinze-mille habitants. C'est dans cette petite ville de Norvège au nord du lac Tyrifjorden qu'est née May Serianna Torgersen. Enfant unique, elle a à la fois été élevée comme la petite princesse de papa et maman, et comme leur unique espoir de ne pas rester coincer dans une vie un peu morne, et un peu trop statique, dans laquelle ils s'étaient jetés un peu trop jeunes. Monsieur et Madame Torgersen étaient de jeunes adultes de respectivement vingt-neuf et vingt-sept ans, suffisamment ambitieux pour se lancer à corps perdu dans le monde du travail, mais pas assez pour ne pas le regretter. Ils étaient tous deux comptables, gagnaient très correctement leur vie, avaient pu s'installer confortablement dans une jolie maison blanche, supportaient l'équipe de foot locale, et n'ont jamais connu de véritable avancée en ce qui concerne leur carrière ou leur train de vie. Lorsque leur fille est née, les Torgersen eurent l'impression de s'être fait voler une partie de leur vie, leurs années de jeunes adultes sans enfants à charge, pour rentrer dans la catégories des foyers avec enfants destinés à une vie bien rangée et sensiblement monotone. Alors, ils cristallisèrent en leur fille toutes leurs aspirations perdues, tous leurs rêves délavés.

May, elle a été élevée comme une petite poupée. Une petite fille parfaite. Mignonne, gentille, bien habillée, bien élevée. May, elle disait bonjour à la dame, elle donnait la main dans la rue, elle se tenait bien à table, elle disait toujours merci et d'accord, et elle avait toujours le sourire. Elle était devenue le nouveau hobby de sa maman. Mais ce qu'elle ne voyait pas, c'est que May, elle n'était pas vraiment comme ça. Elle aimait sa mère, alors elle jouait avec elle, elle jouait le jeu, elle rentrait dans le rôle qu'on voulait lui donner, elle faisait des sourires et elle faisait plaisir. Elle se disait que sa maman était un peu malade, et très fatiguée. C'était une désillusionnée. Elle avait des ombres dans le regard, des ébauches, dessinées au crayonné. Le tout lavé à grande eau, le tout baigné de vide, celui qui s'installe quand on n'a plus de fougue ni de passion, celui dans lequel miroitent les regrets. Et les espoirs vains. Les espoirs vains que la mère projetait sur sa fille. Une vie par procuration. Elle voulait pouvoir être fière de sa fille, pour être fière d'elle-même. Elle voulait la réussir. Elle essayait d'accomplir quelque chose. Et ça, May, elle l'avait compris. Alors elle la ménageait. Et ce qu'elle pensait, ce qu'elle avait vraiment au fond du coeur, elle le gardait pour elle. Elle avait accepté de porter le fardeau de ses attentes, de ses aspirations, retenant son souffle — et elle prenait une bouffée d'air frais dès qu'elle avait le dos tourné. C'est peut-être de là que vient son goût pour la bravade, pour l'interdit — et pour les tares, les défauts, les vices, toute la misère du genre humain. Parce que c'était une petite fille qui aimait sa mère.

Quand elle était petite, May, elle était plutôt populaire. Tant auprès des adultes que de ses camarades. La coqueluche de la cour de récréation, la petite mascotte de la classe — ça a toujours été son rôle naturel, après tout. Au début, c'était même plutôt marrant. Ça lui plaisait bien, toutes ces attentions. Mais très vite, ça ne lui a pas suffi. L'hypocrisie de ses parents, qui ne voyaient en elle que leurs propres attentes, et leurs attentions vides ; l'hypocrisie des autres adultes, qui jugeaient ses parents et leur réussite au-travers de la sienne ; l'hypocrisie des autres enfants et de leur affection versatile et puérile. Et puis, au milieu de tout cela, il y avait Elias.

Elias, c'était tout son contraire. Elle, avec ses longues boucles claires et ses tenues aux couleurs pastels, elle avec ses sourires, sa gentillesse, sa joie de vivre, elle qui s'entourait de tous ; et lui, lui et ses cheveux noirs, ses habits noirs, ses regards noirs, lui, tout seul dans son coin, qui regardait passer les autres de loin. Elias n'était pas sympa ; Elias, on l'aimait pas. Il n'en fallait pas plus pour attirer l'attention de la petite fille. Et ni une, ni deux, elle allait le voir avec ses grands sourires et ses gentilles manières, et elle lui déblatérait un flot de paroles ininterrompu. Il n'était pas bavard ? Elle faisait la conversation pour deux. Il la repoussait ? Elle insistait d'autant plus. Il faisait la moue, elle souriait. Très vite, elle a compris qu'il n'était pas comme les autres. Il n'était peut-être pas plus sincère, mais il était plus honnête. Elle n'aurait pas vraiment su l'expliquer, mais elle le sentait très fort dans son petit coeur qui voyait le monde de façon un peu bizarre. Alors elle s'est mise à retourner vers lui, à le prendre par la main, à l'emmener avec elle. Elle ne le lâchait plus. Quand on voulait jouer avec May, il fallait jouer avec Elias. Alors on faisait attention, on essayait d'être gentil, de supporter le petit mouton noir. Et dès que May avait le dos tourné, les langues se délaient, et les véritables intentions resurgissaient. Ils allaient à une petite école de quartier, dans laquelle il y avait peu d'élèves. Et Elias, personne ne l'aimait. Il gênait. On comprenait pas ce que May lui trouvait.

Une fois, alors que la petite Torgersen était partie chercher une craie pour dessiner une marelle, d'autres enfants s'en sont pris à Elias. La dispute a éclaté, et l'un des enfants s'est saisi du petit poney en plastique dur que May aimait tant, et l'a cassé. Quand la petite blonde est revenue, des doigts accusateurs se sont pointés vers Elias. Et pourtant, sans écouter leurs récits, après un simple échange de regard, May s'est sans hésitation interposée entre le petit Sorensen et leurs camarades, prenant sa défense, plaçant en lui une confiance aveugle. C'était de la dévotion. Elle avait décidé qu'il était différent, elle l'avait choisi. Cet incident scella le lien qui avait commencé à se tisser entre eux. Ce jour-là, les autres enfants comprirent qu'ils ne l'auraient jamais et firent une croix sur May Torgersen. À partir de ce jour-là, May et Elias devinrent inséparables.

Et pourtant, c'était loin d'être simple comme relation. Et encore moins sain. Un menteur asocial et antipathique, et une petite fille gâtée et capricieuse, c'est un drôle de mélange. Ce qu'il faut savoir, c'est que May, elle est aussi égoïste que dévouée. C'est plus évident pour Elias parce qu'en-dehors d'elle, il n'a presque rien ; mais des deux, May est peut-être celle dont cette relation flatte le plus l'égo. Depuis qu'elle est petite, May, à la moindre contrariété, elle vient se plaindre et pleurnicher auprès d'Elias. Ce côté pleurnicheur, elle aurait probablement dû essayer de le dépasser en grandissant ; mais, aujourd'hui encore, c'est auprès d'Elias qu'elle vient chouiner, pour un oui et pour un non, et parfois même devant de parfaits inconnus, pour peu qu'elle soit contrariée. Que ce soit parce qu'il n'y avait pas son dessert préféré à la cantine, ou parce qu'elle ne supportait plus la pression que sa mère exerçait sur elle, elle pleurait tout pareil. Futiles ou sérieuses, ses larmes avaient le même goût salé quand elles roulaient sur ses joues, et elles mouillaient tout autant la manche du pauvre garçon. Celui qui a toujours été, et sera toujours là pour elle. Celui qui ne l'abandonnera jamais. Celui en qui elle a le plus confiance. Celui qui ne sera jamais hypocrite avec elle. Celui qui est toujours vrai, même dans ses mensonges. Celui qui n'a d'autre choix que de la supporter. Elle a beau l'agacer, il ne s'en débarrassera jamais. Ils ont eu quelques violentes disputes, à force de se faire respectivement du mal. Mais ils revenaient toujours l'un vers l'autre, attirés comme des aimants.

Et puis, un jour, elle avait disparu. Elle s'était retrouvée dans un autre monde, sans trop savoir pourquoi. Elle avait toujours l'esprit qui vadrouillait, May. Elle rêvait toujours de s'enfuir de sa vie morose. De vivre des aventures. De se rebeller. De rencontrer d'autres gens. De trouver plus misérable. N'importe quoi, pour combler le vide et l'ennui de son coeur. Alors, comme pour beaucoup d'Éveillés avant elle, Avalon se présenta à elle comme son échappatoire. Elle avait dix-sept ans ; on est facilement impressionnable, à dix-sept ans. On est persuadé d'avoir raison, on est persuadé de savoir ce qu'on fait ; et on fait des erreurs. Et l'on s'en rend souvent compte trop tard. Ainsi, May mit du temps à réaliser la portée de ses actes. C'était la première fois qu'elle enfreignait les règles. Qu'elle loupait les cours, qu'elle fuguait. Qu'elle rentrait tard. Elle mentit même à Elias, gardant jalousement le secret de ses escapades, sans trop savoir pourquoi. Elle avait toujours été égoïste.

Et puis, du jour au lendemain, elle avait disparu. Ses parents avaient compris beaucoup trop vite que quelque chose n'allait pas. Et May, prise au dépourvu, avait craché le morceau. Paniquée, horrifiée, la mère avait isolé sa fille dans la maison, la coupant du monde extérieur. Elle craignait qu'elle ne se fasse remarquer, que les voisins ne finissent par comprendre qu'elle n'était pas normale. Elle était terrifiée à l'idée que sa fille, sa petite fille si parfaite, ne ruine en quelques instants le fruit de son dur travail. Et May, elle, se terrait volontiers, jouant le jeu, comme toujours. Ce n'était que pour quelques jours. Quelques jours pendant lesquels la jeune fille tournait en rond dans sa chambre en laissant l'excitation la gagner. Elle aurait pu leur faire faux bond n'importe quand, mais elle voulait les voir ployer. Elle avait parlé de l'Orphelinat à ses parents, et elle savait qu'ils cèderaient. Elle attendait qu'ils laissent passer quelque jours, pour sauver les apparences. Mais son destin était déjà scellé : elle était devenue trop différente, la lueur de défiance qui était apparue dans son regard leur faisait peur. Lorsqu'enfin arriva le jour du départ, May n'avait toujours pas revu Elias. C'était la première fois qu'elle lui cachait quelque chose comme cela. Et ce n'est qu'alors qu'elle s'apprêtait à Sauter que ça la frappa vraiment : elle laissait Elias derrière elle. Alors, avant de prendre ses valises, elle glissa une lettre dans la boîte postale de son ami, dans laquelle elle s'excusait du caractère soudain de son départ, et lui expliquait que ses parents avaient décidé de l'envoyer en pensionnat. Elle ne laissait pas d'adresse, rien que ce nom, Avalon, et un défi en post-scriptum : cherche-moi.

Elle arriva sur Avalon avec le coeur battant, et la forte volonté d'apprendre à maîtriser cette magie qui était venue chambouler sa vie, ainsi que dans son esprit. Et c'est là qu'elle se mit à avoir peur. Lâchée en milieu inconnu, loin des rues familières de son quartier de Hønefoss, et loin, très loin, de la personne la plus importante pour elle, May se sentait perdue. Contrairement à ce que l'on pourrait s'attendre d'une jeune fille ayant reçu pareille éducation et pareille pression familiale, May n'est pas véritablement une "tête". Elle a toujours travaillé dur et rapporté des notes correctes, mais elle était loin de l'excellence dont sa mère aurait rêvé. Elle avait l'esprit ouvert, mais peu d'imagination. Et Avalon ne tarda pas à l'y confronter : ses débuts avec la magie se révélèrent particulièrement maladroits. Ça commençait plutôt mal. Elle était comme ça, May. Sûre d'elle, habituée à la facilité, envie de tout, surtout ce qu'elle n'a pas. Elle ne réfléchit pas, elle se lance à l'aventure, elle est spontanée, indélicate, inconsciente. Et puis ça la frappe avec un temps de retard. Parce qu'au fond, elle est un peu chochote. Elle se met à avoir peur, à pas aimer, à hésiter. L'inquiétude et l'angoisse la rattrapent, l'incofort lui picote la gorge. Alors elle se met à chouiner.

Et puis Sunday est arrivé. Sunday, elle lui est littéralement tombée dessus, au hasard des rues de Babylon, en criant à gorge déployée d'une voix suraiguë. Plus agressif, tu peux pas. Et pourtant, après avoir dégringolé quelques marches avec elle, le garçon lui a tendu une main amicale pour l'aider à se relever, en accompagnant le tout d'une petite pique sur un ton de plaisanterie. Et, trop heureuse de voir une main tendue dans cet univers qui se révélait plus hostile qu'elle ne l'avait prévu, May s'est mise à pleurer comme une madeleine. C'est ainsi que Sunday s'est retrouvé de corvée de babysitting.

Après cela, May ne l'a plus lâché. C'était devenu son nouveau point de repère, le pilier auquel elle s'accrochait (littéralement, une fois de plus), pour se remettre sur pieds et reprendre du poil de la bête. C'était assez comique de les voir tous les deux, la petite poupée et la grande asperge. Des rumeurs ont commencé à courir sur eux — infondées, certes. Sunday est un coeur pur, irrécupérable, et May ne court qu'après son dingue d'Elias. Mais il faut avouer qu'on aurait bien aimé les caser ensemble, ces deux-là. Petit à petit, May s'est trouvé une place à Avalon. Elle y a pris ses marques, a commencé à s'ouvrir aux autres et à retrouver son sourire et son dynamisme. Mais son Elias lui manquait. Elle l'imaginait, dans ce monde qu'elle avait laissé derrière elle. Elle redoutait la distance qui, peu à peu, s'installait autant dans le temps que dans l'espace, maintenant qu'ils vivaient dans deux mondes différents. Elle imaginait le regard jaloux qu'il aurait posé sur elle s'il l'avait vue dans sa nouvelle vie, se souvenait de cette façon qu'il avait de la dévorer des yeux, comme pour se l'approprier, les frissons qui couraient parfois dans sa voix et qui la clouaient sur place. Elle se demandait s'il avait lu sa lettre, s'il avait fait une croix sur elle, s'il s'était résigné à la laisser dans cette nouvelle vie qu'elle vivait sans lui.

Et puis, environ deux mois après ses débuts à l'Orphelinat, elle s'est soudainement retrouvée nez à lui alors qu'elle traversait la Grand Place. Son grand corbeau noir avait volé jusque là pour la retrouver et la reprendre sous ses ailes, l'arracher à ce nouveau monde et la garder pour lui. Le duo réuni a rapidement fait parler de lui. Leur relation sulfureuse et ambiguë avait de quoi faire des remous. Alors, quand la petite blonde, complètement inconsciente, s'est mis en tête de rapprocher Elias et Sunday, cet étrange trio devint la cible des rumeurs les plus farfelues. Et c'est ainsi que les joyeuses aventures de Mayday, pendue au bras de ses deux gardiens, prirent un nouveau virage.
Just gonna stand there and hear me cry
But that’s all right because
I love the way you lie
coucou, c'est encore moi, alcyone, et ceci est mon quatrième personnage (après sully, diraxy, et charlotte).